Pour beaucoup de Buduma, Kouri et Kanembou, le sentiment d’appartenance nationale est peu développé et ne s’est manifesté qu’à de rares occasions. Enfin, de nombreux Kanembou des rives tchadiennes ont cherché du travail dans les ports ou débarcadères (
Les membres de ces comités sont valorisés socialement à travers des cérémonies lors de l’arrestation de suspects, mais aussi dans des reportages des médias tchadiens. « Boko Haram et le lac Tchad. Enfin, alors qu’une nouvelle crise économique se profile, la soutenabilité budgétaire de l’effort de guerre est de plus en plus incertaine. cit. Extension ou sanctuarisation ? Pourtant, dès le début des années 2000, des Kanouri et des Bornouan vivant à N’Djamena écoutaient sur cassettes audio les prêches du fondateur de Boko Haram, Mohamed Yusuf. Au début des années 2000, des prédicateurs islamistes venus du Borno, accompagnés d’un imam italien, avaient déjà suscité la méfiance des autorités tchadiennes ; ils avaient finalement été arrêtés au Tchad et extradés. L’histoire récente du lac est aussi faite de brassages. « Aujourd’hui, quand on prononce le nom de Yusuf, les gens ont peur », confiait récemment un universitaire kanouri, avant d’ajouter : « quant à Shekau – devenu chef de Boko Haram –, personne ne l’a jamais écouté, c’est un sanguinaire abruti ». Ce tournant décisif dans la posture tchadienne s’explique par plusieurs facteurs. Tandis que le lac s’est transformé en zone militarisée et que les contraintes de l’état d’urgence, bien que non prorogé mais de facto en vigueur, continuent à affecter les mouvements des habitants et les modes de production, il sera difficile pour l’Etat de nouer un réel pacte de confiance avec les populations locales, seul à même d’éliminer complètement la menace que constitue Boko Haram sur le long terme. Si le Rassemblement pour la démocratie et le progrès (RDP) de l’ancien président Lol Mahamat Choua continue à recueillir les suffrages de nombreux Kanembou à Mao et sur les berges du lac, il n’est pas perçu par le pouvoir central comme une menace et s’est même allié au parti du président Déby, le Mouvement patriotique du Salut (MPS) lors de la dernière élection présidentielle. « Nous partons à la guerre, il y aura des morts et des blessés. L’explosion démographique qui s’amorce dans les années 1970 dans la région du Lac et l’absence de politiques publiques en mesure d’accompagner ces arrivées massives de populations ont alimenté ces départs vers le Nigéria. Pour en savoir plus sur le Général Haftar, lire le rapport Moyen-Orient de Crisis Group N°170, A Yaoundé en avril 2014, les ministres de la Défense et les chefs d’état-major de la région ont décidé de mettre en place une force mixte multinationale sur le lac.Entretien de Crisis Group, diplomate, N’Djamena, septembre 2016.« Tchad – Idriss Déby : “Il faut mettre en place la force multinationale” », Pour plus d’informations sur Sheriff et ses relations avec Boko Haram, lire le rapport Afrique de Crisis Group N°216, For more information on Sheriff and his relations with Boko Haram, see Crisis Group Report, Une implication progressive et un appareil militaire sollicité par les voisinsLe Tchad a atteint le point d’achèvement de l’Initiative des pays pauvres très endettés (PPTE) en 2015 à la suite d’une décision bien plus politique qu’économique des institutions de Bretton Woods. La montée en puissance du JAS sur le Nord du Lac Tchad doit sans doute quelque chose au fait que la réponse militaire du Nigéria s’est concentrée ces dernières années sur le Sud du Lac, dans sa partie nigériane, là où l’EIAO a son centre de gravité. Le fait que les groupes (JAS et EIAO) soient divisés ne rend pas la tâche des forces de sécurité de la région beaucoup plus facile. Depuis 2015, l’armée tchadienne est très souvent intervenue dans les pays voisins pour lutter contre Boko Haram. En plus des mouvements saisonniers, les arrivées successives de civils déplacés, réfugiés ou rapatriés sur les berges du lac depuis janvier 2015 ont parfois affecté la cohésion sociale. Il est donc essentiel de définir une politique claire sur les conditions de réhabilitation ou de jugement des anciens membres de Boko Haram, et les contours d’un véritable programme de réinsertion pour les déserteurs dans le cadre de programmes plus larges de relèvement communautaire destinés notamment à la jeunesse. Au lendemain de la grande offensive menée fin 2016 par les forces nigérianes dans la forêt de Sambisa, un des bastions traditionnels de Boko Haram, Les autorités tchadiennes n’ont d’ailleurs pas caché leurs frustrations face à la lenteur de la contribution militaire apportée par ces Etats et ont appelé à une meilleure coordination pour éviter que les éléments jihadistes ne regagnent du terrain. Depuis le début du conflit, seul un procès, très critiqué, a été organisé, aboutissant à la condamnation à mort de dix membres présumés de la secte. Mais le risque sécuritaire n’a pas disparu. Ainsi, des rumeurs à propos d’attaques lors de la fête nationale et de l’investiture du président Déby le 8 août 2016 ont suscité de fortes craintes et un renforcement des dispositifs de sécurité. Les acteurs du développement devraient financer une étude socio-anthropologique pour comprendre ces logiques de mobilité, les phénomènes de concentration à l’œuvre, la structure des ménages et surtout définir des priorités avec les populations locales pour faciliter leur appropriation. Notes de géographie physique et humaine »,« Boko Haram et le lac Tchad. Boko Haram constitue une menace de longue durée, mais il est nécessaire de quitter la phase purement militaire pour entrer dans une phase politique de stabilisation.